Transmettre des méthodes plutôt que des faits
Une seconde a tout changé dans ma façon d’enseigner.
Je réfléchissais à l’exercice standard posé à l’examen annuel et j'ai demandé à l'IA de calculer le taux de rentabilité d'un projet. La réponse est apparue instantanément : une mise en page parfaite, un pourcentage clair et une présentation professionnelle.
C’est à ce moment-là que j’ai réalisé que l’enseignement traditionnel était terminé.
Toute question descriptive que j’expliquais autrefois en classe pouvait désormais trouver une réponse en une seconde. La vraie question était : à quoi bon apprendre le calcul quand le résultat arrive si vite ?
La réponse m'a frappé.Le processus de réflexion derrière le résultat compte plus que le résultat lui-même.
Le problème des zélotes
Si l’on n’y prête pas attention, on peut développer ce que j'appelle un « comportement fanatique » avec les résultats de l'IA.
La magie du copier-coller d'un résultat d'IA sans aucun regard critique. Ou, au contraire, affirmer que quelque chose est discutable simplement parce que l'IA a dit le contraire. Ces deux réponses considèrent l'IA comme une autorité infaillible plutôt que comme un outil de remise en question.
Nous commençons tout juste à observer ce changement. J’imagine que la plupart des étudiants utilisent l'IA pour accélérer les devoirs ou la collecte de données.Mais ils n’apprennent pas à évaluer ce qu’ils collectent.
N'importe qui peut demander à l'IA de produire un essai de 20 pages sur n'importe quel sujet, avec un résultat plus que satisfaisant. Le véritable défi est de conserver la capacité de raisonnement.
La compréhension des structures plutôt que la mémorisation de données
Je révise mon approche autour d'un principe fondamental :apprendre aux étudiants à décomposer les problèmes et à comprendre les étapes qui mènent aux résultats.
Ma méthodologie n'est pas encore totalement définie et devra évoluer. Je m'attache toutefois à aider les étudiants à réfléchir à des cadres et des systèmes pour comprendre si le processus de réflexion de l'IA est solide ou présente des failles évidentes.
Voici un exemple concret tiré de mes cours de finance.
Prenons l'exemple du calcul de la rentabilité d'un projet. Les élèves doivent d'abord décomposer le projet en hypothèses principales pour le calcul. Ils doivent identifier les variables clés : coûts d'investissement, revenus, inflation, taux d'imposition, coût des marchandises…
Lorsque l’IA donne un résultat sous forme de pourcentage, l'humain doit être capable de demander des détails de calcul. Les différentes étapes sont-elles judicieuses ? Quelle est la marge annuelle ? Comment les impôts ont-ils été calculés ?
Les étudiants doivent comprendre le cadre avant de pouvoir évaluer le résultat.
L'art du “prompt”
L’art de poser la bonne question sera incroyablement précieux à l’avenir.
Il s'agit de connaître le contexte d'un sujet : ce qui compte et ce qui ne compte pas, tout ce qui a un réel impact.
Les étudiants ayant une formation en statistiques comprennent la corrélation. Je crois que la capacité à détecter des corrélations réelles entre les symptômes et les résultats les aidera à poser les bonnes questions à l’IA et à relier les points.
En statistiques, la fiabilité des résultats dépend de la taille de l'échantillon. Si vous posez une question rare à l'IA avec très peu de connaissances sur le sujet, le résultat peut être vague ou faux, même s'il semble crédible.
La capacité à être critique quant au moment où les résultats seront fiables en fonction de la courbe d’apprentissage de l’IA est une connaissance cruciale.
Enseigner dans l'inconnu
Je n'ai pas encore toutes les réponses. Je continue de développer des exercices et des méthodologies au fur et à mesure.
Mais je suis confiant quant à la direction à prendre. Les étudiants doivent apprendre la reconnaissance des formes et la réflexion sur les cadres pour collaborer efficacement avec l’IA.
L'objectif n'est pas de concurrencer l'IA ni de la rejeter. Il s'agit d'apprendre aux étudiants à lui faire confiance, à la remettre en question et à approfondir leurs connaissances lorsque quelque chose ne fonctionne pas.
Jusqu'ici, l’éducation traditionnelle accorde une part importante à l’absorption des connaissances. Le nouveau modèle se concentre la pertinence des informations à retenir et des raisonnements.
Il faut former à être des questionneurs intelligents plutôt que des récepteurs passifs. Les nouveaux étudiants doivent comprendre le contexte et détecter des schémas qui les aident à formuler de meilleures questions et à évaluer de meilleures réponses.
Le calcul en une seconde a complètement transformé mon approche pédagogique. Au lieu d'expliquer comment obtenir la réponse, j'apprends à se demander si la réponse est logique.
C'est une compétence qu'aucune IA ne peut remplacer (pour l'instant).