Interview avec Arnaud Stéphan sur les compétences et facteurs clés de succès des transformations

Ce qui m’a amené à devenir auteur et conférencier sur les compétences et facteurs clés de succès des transformations, afin d’apporter de nouvelles perspectives aux dirigeants et leurs équipes, au travers d’expériences immersives

Interview avec Arnaud Stéphan sur les compétences et facteurs clés de succès des transformations

1 - Pouvez-vous nous présenter votre parcours et votre activité ?

Arnaud Stéphan: J’ai joué tous les rôles clés d’une transformation au travers d’un parcours international (Suisse, Royaume-Uni, Belgique, Etats-Unis, Pays-Bas, Allemagne et Inde) et polyvalent (éditeur de logiciels, intégrateurs, cabinets conseils, entrepreneur).

Ce qui m’a amené à devenir auteur et conférencier sur les compétences et facteurs clés de succès des transformations, afin d’apporter de nouvelles perspectives aux dirigeants et leurs équipes, au travers d’expériences immersives (Serious Game, Case Studies) et de synthèses des plus récents événements européens (World Business Forum, Les Sommets du Digital, Digital Summit).

2 - Certains parlent encore de conduite du changement. Entre les solutions toutes faites préparées par les dirigeants avec des organigrammes et la réalité du terrain, quel décalage y a-t-il ?

On constate trois décalages fondamentaux :

  1. La conduite du changement est pensée à côté du changement, au lieu d’être co-construite et faire partie du changement
  2. La conduite du changement est envisagée comme une méthode intrinsèquement, ce qui la déconnecte du contexte, or la “culture bouffe la stratégie au petit-déjeuner”
  3. L’objet du changement est le collaborateur (on va changer la personne, l’objet est un sujet, ce qui n’est pas le cas dans la réalité), illusion d’un supposé contrôle sur les gens, au lieu de prendre pour objet du changement le contexte dans lequel évolue le collaborateur.

Les comportements dépendent d’un contexte : pour en obtenir de nouveaux, il faut agir sur le contexte et accepter de lâcher prise sur l’illusion du contrôle des collaborateurs.

3 - Chez Urbest, nous avons la passion du collaboratif. Pour vous, une organisation collaborative se traduit par quels types d’actions ou de comportements ?

Je donnerai une définition basée sur 3 comportements en particulier :

  1. La collaboration c’est travailler ensemble - à plusieurs donc - à un objectif commun
  2. La collaboration se base alors sur des échanges (échanges de connaissance et/ou échanges de compétence) : chacun étant différent, je vais chercher chez l’autre le lego qui me manque et c’est donc en faisant levier sur ces différences disponibles, qu’on parvient à créer un contenu par construction nouveau
  3. La collaboration pose donc le paradoxe de l’innovation, enjeu n°1 des entreprises car là où 92% des managers considèrent la collaboration comme importante, seuls 32% en font une priorité … alors même que la collaboration est le facteur clé de succès de l’innovation (faire levier sur les différences disponibles pour créer un contenu nouveau)

4 - Quelles situations d'échecs constatez-vous le plus souvent ?

J’ai aujourd’hui identifié pas moins de 13 symptômes récurrents, quels que soient les pays, les secteurs ou les années considérés, mais si je devais n’en citer que 3 en particulier, je citerais :

  1. L’inconscience aux commandes : sur 100 projets qu’une entreprise lancera, 20 seront arrêtés avant leur fin dont ⅓ sont des projets pas importants (alors pourquoi les lancer ?) et ¼ sont des projets stratégiques (alors pourquoi les arrêter ?)
  2. Le projet, un bébé non désiré : dans 20% des décisions stratégiques de lancer un projet (donc pour se démarquer de la concurrence), rien n’acte ni ne prépare son lancement, le programmant pour l’échec
  3. Voir et agir mais rester aveugle : dans 60% des Entreprises, la “best practice” la plus répandue est l’adoption de standards du moment, donc pour se rassurer sur l’exécution des projets visant à nous en démarquer de nos concurrents, on applique donc les mêmes méthodes qu’eux (la méthode à la mode) ; dit autrement, on fait pareil pour faire différent parce que faire différemment fait trop peur

5 - Est-ce que vous avez eu un exemple pratique appliqué à l’immobilier ?

J’ai en tête un cas effectivement. Chez un bailleur social, un des enjeux a justement été de recréer de la visibilité sur les projets lancés et à venir : plusieurs projets étaient lancés, mais le lien avec les ambitions de la direction n’étaient ni explicites ni communiqués.

L’objectif a été d’une part, de reprendre de la hauteur sur la prise de décision : pourquoi lancer ce sujet ? Quelle valeur ? S’il fallait choisir entre ces 2 projets, lequel serait prioritaire ? On a d’autre part cherché à (re)créer de la communication entre les équipes, services et départements, en partageant l’information sur les initiatives lancées par les uns et les, afin de casser les silos et faire prendre conscience des dépendances et conséquences d’une décision.

La satisfaction du locataire revenant au centre du succès collectif, l’enjeu était donc de mettre en avant et de valoriser les contributions respectives, tant individuelles que collectives : sortir d’une approche descendante, pour passer à un modèle responsabilisant et contributif qui additionne les avancées de chacun.

6 - Pour vous, les bonnes pratiques sont comme des muscles à travailler à la salle de sport. Est-ce que vous pouvez nous citer quelques muscles et quelques exercices ?

Il y a 4 compétences clés ou “muscles” en particulier à travailler, qui vont de l’individu au collectif pour arriver au niveau de l’organisation, mais prenons la 1ère de ces compétences, l’Autonomie, définie comme :

  • je sais ce que je peux faire = je suis ok avec ça
  • je sais ce que je ne peux pas faire = je suis ok avec ça

Un exercice pour développer cette compétence et donc ce muscle qu’est l’Autonomie, est de cultiver ses propres forces, pour développer sa propre confiance en soi tout en nourrissant notre besoin de reconnaissance, d’être reconnu à notre juste valeur.

7 - Comment faire pour avoir une organisation qui s’adapte en permanence à de nouveaux changements ?

S’il y avait une recette miracle ou une formule magique, je serais millionnaire :) … plus sérieusement, pour qu’une organisation et donc un collectif de plusieurs individus ayant chacun leur histoire puisse s’adapter aux changements souhaités - mais parfois subis, un des éléments clés est de parvenir à ce que le groupe soit davantage que la seule juxtaposition des individus.

Dit autrement, il faut parvenir à ce que le collectif soit en mesure de se nourrir des individus et en retour, que le collectif puisse nourrir les individus : une entreprise dite “apprenante”, pour reprendre un vocable qu’on retrouve désormais dans de nouveaux ouvrages.

Cela suppose une discipline, un rituel de partage et retour d’expérience, pour transférer ce que l’individu a vécu vers le collectif sous une forme réutilisable par les autres individus membres de ce collectif :

  1. 1er constat « c’est rarement fait »

Dans moins de 10% des cas, tout secteur confondu, donc on répète les mêmes erreurs car l’organisation n’apprend pas et c’est d’ailleurs pour traiter cela que j’ai créé la « Boîte de Pandore ».

8 à 9 projets sur 10 se plantent et on y retrouve 13 problèmes récurrents quels que soient le pays, l’année ou le secteur considéré.

1.1 Croyance 1  « ça ne me coûte rien de ne pas faire de Lessons Learned »

  • faux = 13 problèmes récurrents reviennent
  • donc faire le simple calcul sur 100 projets, qui paient chacun la résolution du même problème

1.2 Croyance 2 « les Lessons Learned créent moins de valeur qu’un nouveau projet »

  • faux = se taper de nouveau la tête contre un mur ne change pas la réalité
  • il y a un mur et ça fait mal à la tête

Levier = créer la prise de conscience en faisant vivre les conséquences de ne pas faire ou continuer à adopter des comportements qui ne fonctionnent pas (j’ai créé la « Boîte de Pandore » pour cela !)

  1. 2ème constat « c’est fait, mais ce n’est pas utilisé » (Environ 10% des cas)

2.1 Alternative 1 = « c’est fait mais je n’y ai pas accès ou je ne sais pas que cela existe»

  • un contenu qui existe mais auquel on n’a pas accès ou dont on ne connaît pas l’existence, n’a aucune valeur
  • levier = rendre visible, public et connu l’accès à ces contenus et en faciliter la recherche

2.2 alternative 2 = « c’est fait mais ce n’est pas utilisable ou je ne vois pas comment l’utiliser »

  • un contenu qui existe mais qui n’est pas exploitable, n’est pas utilisable donc pas utile, donc n’a aucune valeur
  • levier = proposer une structure qui permette l’extraction des éléments réutilisables/transférables et en facilite la recherche
  1. 3ème constat « c’est fait, c’est utilisé »
  • trop rare car moins de 1% des cas
  • pour qu’une population adopte un nouveau comportement, il suffit que 10% l’adoptent (théorie des jeux et approches virales)
  • levier = rendre l’outil Lessons Learned sexy pour donner envie de le diffuser à tout crin.

    A propos de Pandora Box

8 à 9 projets sur 10 se plantent ! Autant d’échecs si ce ne sont pas des occasions d’apprendre et on le sait mais rien ne change car ça n’est pas une question de SAVOIR mais de FAIRE.

La « Boîte de Pandore », c’est la jardinerie des « softs skills » : une expérience immersive pratique, ludique, plug&play, qui met en situation pour FAIRE et favoriser la « pousse » des comportements qui vont faire fonctionner vos projets.